Gros Coeur - Vague scélérate
- Eddy
- il y a 34 minutes
- 8 min de lecture
Le quatuor originaire de Liège et Bruxelles, Gros Coeur, est de retour avec son deuxième album intitulé "Vague scélérate". Au menu, je vous propose aujourd'hui un rock psychédélique aux tendances krautrock, parfumé de notes tropicales et moyen-orientales, le tout ayant la douce particularité d'être chanté en français. Retour sur ce raz-de-marée auditif qui vous embarquera sur son radeau où bonne humeur et sonorités mélodieuses sont au rendez-vous!
Le groupe

Source : compte Facebook du groupe
De gauche à droite : Adrien Chapelle (guitare/chant), Alexandre De Bueger (batterie), Jimmy Geers (guitare) et Julien Trousson (basse).
Gros Coeur est une jeune formation talentueuse qui a vu le jour à Liège en 2022. Le groupe s'articulte autour d'Adrien Chapelle à la guitare et au chant principal, d'Alexandre De Bueger à la batterie et aux percussions, de Jimmy Geers à la guitare, aux percussions, aux claviers et aux backing vocaux et de Julien Trousson à la basse, aux claviers et aux backing vocaux. Toute qu'une troupe, vous me direz...
La musique proposée par nos quatre joyeux lurons est un rock psychédélique (neo-psychedelia*)qui penche souvent vers le krautrock avec des percussions (congas et bongos) qui donnent des couleurs exotiques à l'ensemble de l'oeuvre. Dans les influences et les inspirations musicales que j'ai pû retrouver, je citerai des groupes de la scène neo-psychedelia australienne comme King Gizzard & The Lizard Wizard et Glass Beams, mais également Altin Gün ou encore Naxatras. Dansant et planant, c'est les deux adjectifs qui qualifient bien la musique de Gros Coeur, additionés à une énergie furieusement rock'n'roll. La symbiose entre les musiciens est frappante et ce, dès la première écoute.
La force des musiciens se trouve dans la qualité d'écriture des compositions : qu'importe où nous emmène le quatuor, c'est constamment vers des paysages distrayants et réconfortants. Leur univers sonore fait autant de bien aux oreilles qu'à l'âme grâce à l'ambiance à la fois chill et mélodique qu'ils arrivent à créer avec leurs instruments. Le fait d'avoir choisi le français pour le chant est pour moi une plus-value influente. Vivant au Québec, c'est une chose auquel j'accorde de l'importance et qui a immédiatement attiré mon attention. A ce sujet, d'ailleurs, le groupe est passé en entrevue par la RTBF le 12 octobre 2023. Ils ont parlé du choix de la langue de Jean-Luc Fonck et de Plastic Bertrand pour les paroles :
Quant au français, on l’a choisi par facilité. "Parce qu’il n’y a rien de pire qu’un groupe wallon qui ne maîtrise pas l’anglais", précise Adrien. Contrairement à ce qu’on attendrait d’un groupe de rock en français, Gros Cœur se refuse de mettre l’accent sur les paroles dans ses musiques, utilisant ici la voix comme un instrument à part entière, fondu dans les guitares, basse et percussions qui construisent leur musique, comme l’explique Julien : "On ne fait pas des chansons à texte, ou en tout cas on ne met pas le texte au devant de la musique, c’est surtout de la recherche de mélodies et de sonorités." Un choix également motivé grâce à l’exemple de la scène québécoise, qui les a inspirés et qui pour eux légitime leur formule. "Mine de rien, c’était une façon de se positionner aussi dans ce grand game de la musique. Rock psyché ne sonne pas nécessairement avec chant en français de la même manière que rock ne rime pas avec bongos et
as. C’était une manière pour nous de trouver notre son", termine le bassiste.
Entrevue donné par le journaliste Guillaume Scheunders.
Gros Coeur s'est produit lors de plus de 150 spectacles avec notamment une prestation dans le cadre du festival Phoque Off 2024 à Québec, aux côtés de Population II, lors d'une soirée au Pantoum. Ils ont également joué au RoadBurn Festival aux Pays-Bas, aux nuits du Botanique à Bruxelles, à Dour Festival ou encore au Trix d'Anvers.
Le 14 mai 2025, le morceau "Sacrifice" est publié avec un vidéoclip à la fois kitsch et épique. Un mélange entre le monde de Conan le Barbare et le clip de "Nonagon Infinity" de King Gizzard & The Lizard Wizard. Des passages du clip font clairement référence au sketch Biouman des Inconnus. Dans un souci d'avoir le plein contrôle sur le son et d'être le plus "DIY" possible, c'est Adrien à qui la production de la chanson a été confiée. "Sacrifice" vaut largement l'écoute et le charme de ces images vous brûlera certainement la rétine ! :
L'album

"Vague scélérate" est le deuxième opus de Gros Coeur, deux ans après "Gros Disque", sublime galette qui contient les excellents titres : "Nagori", "Ventre Volcan" et "Monique" dont je vous suggère l'insertion dans vos tympans au plus sacrant!
Le disque propose cinq compositions originales pour une durée de 39 minutes et a été enregistré au studio Koko à Sprimont ainsi qu'au studio Schmerling à Liège. La pochette a été réalisée par Marie Theurier.
Ce que j'aime de cet enregistrement c'est le côté festif et positif qui plonge directement l'auditeur dans cette vague de bonheur intense et enivrante.
La pédale à effets a également sa place sur ce disque et elle est toujours utilisée habillement, sans jamais prendre trop de place mais toujours en créant un milieu sonore unique. En effet la distortion est appréciable sur cet enregistrement pour créer différents environnements musicaux où le sens de la mélodie est toujours en vigueur.
Deux singles sont sortis : Montréal le 12 septembre et Contre-corps le 24 octobre.
Le radar analytique et intense d'Eddy
1.La Vague : pièce majeure de part son charisme et sa longueur (12:47). La Vague commence avec une douce sonorité accompagné du délicat son de la houle. Ensuite, ça part dans des directions festives où la guitare est légère avec un riff efficace qui monte en intensité sans jamais atteindre l'agressivité. Cette énergie maitrisée et balancée cadre parfaitement avec la voix qui semble venir de loin, telle une hallucination auditive. La batterie utilise une structure plutôt basique mais efficace (caisse claire/charleston/grosse caisse) mais parfaitement éxécutée avec un rythme entraînant. Il y a des cymbales utilisées mais pas outranciérement ce que je trouve original car c'est un élément du kit qui a tendance à être surutiliser par simplicité. La basse a un bon p'tit groove sympathique qui donne envie de se trémousser les foufounes (les québécoises, pas la foufoune belge !) La pièce est truffée de changement de rythmes et d'intensités ce qui fait qu'il n'y a jamais de temps mort ni de "remplissage". De ce fait, les 12 minutes passent bien trop vite tellement la structure du morceau est là pour nous faire passer un moment à la fois relax et hors du temps. A 3:19, l'intensité baisse pour un passage posé avec l'utilisation d'un mélodica, accompagné de la fidèle guitare et de cette voix toujours aussi apaisante. Par la suite un beat serein vient se poser naturellement pour, dans la foulée, à 5:18, repartir avec cette ardeur qui est le moteur tout au long de la pièce. A 6:34, les percussions embarquent pour un vent de fraîcheur et ajoutent de la vitesse et des rythmes endiablés qui surprennent positivement lors de la première écoute! Une baisse de régime s'amorce à partir de 7:35 où le charleston se mêle aux percussions et à cette ligne de basse au swing légendaire. Tranquillement la puissance évolue avec la voix qui devient limite oppressante et donne une impression de psychédélisme lié aux effets électroniques. A 11:16 c'est le clou du spectacle avec cette section moyen-orientale qui nous emmène jusqu'à la note finale.
Un vidéoclip a été réalisé et il s'agit d'un plan où les quatre musiciens survivent sur un radeau sur une mer tantôt calme tantôt scélérate...
2.Euphorie : l'ambiance dépaysante, qui invite au voyage, est de retour dès les premières notes : percussions et ambiance torride avec la guitare qui semble être joué par un charmeur de serpents! A cette épopée s'ajoute des claviers "prog/psyché". Ils créent une atmosphère moderne qui se mixe homogènement avec l'ambiance aride créée par les autres instruments. A 4:20, il y a un segment à mi-chemin entre le disco et Another Brick In The Wall ; ça groove solidement! A 5:10, un riff de guitare léger et ambiant vient te souffler son haleine de thé à la menthe dans la face ! La dernière minute euphorique est teintée de claviers aux effets étourdissants et de guitares aux effluves cumbia.
3.Montréal : introduction typique à l'univers musical d'Altin Gün, mais rapidement c'est la signature sonore Gros Coeur qui prend le dessus. L'ambiance funky s'associe brillamment avec la chaleur psyché-orientale et le refrain hypnotisant donne l'envie de se téléporter vers des pays lointains et dépaysants.
Montréal a des odeurs de tajines et de de sable mouvant dans ce bel hommage à la métropole québécoise qui crée une mixité sonore avec des endroits plus chauds de la planète. En effet, ici, c'est plutôt l'odeur de poutine et les bancs de neige qui font partie de la vie hivernale qui dure plus de 5 mois par année.
Le clip, kitch à souhaits, qui met en vedette une drôle de machine est à voir ici :
4.Lentement : la composition porte bien son nom car c'est de façon nonchalante que commence cette chanson...jusqu'à 1:53 où ça brasse un peu plus avec ce riff funkydélicieux! Un passage au groove sale qui précède un chaos éphémère qui change d'ambiance à 3:02 où cette guitare colorée vient remettre ce sentiment chaleureux au programme! Energie KG&TLW jusqu'à la fin de la toune avec cette belle vibe rassembleuse et planante. Ce titre est un bel hommage à la lenteur et au lâcher-prise.
5.Contre-corps : la composition commence avec un environnement cumbia et je me sens directement couché sur une chaise longue, légèrement dans les vapes, avec un verre d'aguardiente sur glace. Oh my god, que la vie est belle!
A 3:02 ça bouge un peu plus avec un riff rock'n'roll, des effets électroniques, une basse harmonieuse et une batterie hypnotisante. A 3:40, l'auditeur a droit à un break assez tropical où les percussions ensorcelées rencontrent la guitare électrique. A 4:57, cela me fait penser à The Wizard de Black Sabbath en version modernisée bien sur. Les deux dernières minutes sont chillax jusqu'à la toute dernière note de l'album où le chant semble être décousu et de fin de soirée...
Le clip est assez malaisant surtout quand tu commences à comprendre ce qu'il se passe...
Les informations inutiles d'Eddy
-*Le neo-psychedelia est un rock psychédélique moderne qui puise son essence et ses racines dans la musique des années 60. C'est un style musical que je chéris et il y a tant de groupes qui en valent la peine sur cette belle scène en plein essor créatif!
-Sacrifice ne figure sur aucun des deux albums. Fera-t-il partie des choix de morceaux pour un futur album ? J'espère bien car ce morceau est une pépite!
-Si vous voulez vous procurer le vinyle : https://leceperecords.bandcamp.com/album/vague-sc-l-rate ou ici : https://jauneorange.be/artiste/gros-coeur/ selon votre localisation. J'ai personnellement acheté les deux vinyles!
-Le choix de l'utilisation du français pour le chant leur a été inspiré par la scène québécoise.
-La Vague dure 51 secondes de moins que le deuxième morceau le plus long d'Iron Maiden. Cette oeuvre est Rime Of The Ancient Mariner qui est, par la même occasion, ma chanson préférée de tout le catalogue de la Vierge de Fer. Vous aviez lu que c'était la catégorie d'informations inutiles j'espère?
-Un jam session enregistré au Reflektor à Liège accompagné d'entrevues est à voir ici :
-Je parle souvent dans cette chronique de Moyen-Orient, de désert etc...car les sonorités me font penser à cette région du monde mais les percussions utilisées, les congas et bongos, sont en fait originaire de Cuba.
Bref
Un album festif et rassembleur dans ce quotidien qui n'est pas toujours évident. J'ai eu beaucoup de plaisir à l'écoute de cet opus et j'espère sincèrement avoir l'occasion de voir les musiciens sur scène et, pourquoi pas, pouvoir jaser avec eux. Ce que j'ai particuliérement aimé c'est que la voix est exploité comme un instrument à part entière et j'ai trouvé l'utilisation judicieuse et habile. La jauge "montées en puissance" et "acalmies" est parfaitement équilibrée et les musiciens trouvent toujours le juste milieu parfait dans l'amplitude de leur son.
Du baume dans mon gros coeur, c'est ce que ces quatre sympathiques belges ont amené dans mes dernières heures d'écoute. Merci et bravo à eux !
-Date de sortie : 21 novembre
-Genre : rock psychédélique coloré
-Label : Jaune orange
-Pour fans de : scène psyché australienne : King Gizzard & The Lizard Wizard, The Lazy Eye, Babe Rainbow, Glass Beam mais également des formations Altin Gün et Khruanghbin.
